La lisibilité du rapport annuel

mardi 18 janvier 2011
par  Admin

Anne-Marie ROBERT, professeure
Francine TURMEL, professeure
Sylvain MORNEAU, étudiant
Karine PRÉCOURT, étudiante
Sébastien ROCHEFORT, étudiant
Frédéric RUEL, étudiant
Université de Sherbrooke

Une fois l’an, les dirigeants des sociétés soumettent aux actionnaires un document qui rend compte de leur gestion ; c’est le rapport annuel. Son ampleur varie selon les sociétés, mais il comporte généralement un rapport de gestion, les états financiers et le rapport du vérificateur. Pour les sociétés ouvertes (sociétés dont les actions sont offertes au public), le rapport annuel peut prendre l’apparence d’un magazine. C’est une tendance qui se manifeste depuis une bonne dizaine d’années. Aux éléments de base s’ajoutent, entre autres, des sections qui traitent de rétrospectives financières, de stratégie commerciale, de projets de développement et des ressources pour y parvenir (Forand, 1998). Les rapports annuels sont devenus de véritables outils de communication.

Il n’est pas étonnant de voir les spécialistes de la communication formuler des conseils sur les informations à livrer et sur leur mode de présentation, et décrier les expériences de présentation quand elles servent mal la lisibilité (Gagné, 1997). Certaines entreprises consacrent jusqu’à deux millions de dollars à la production de ce document (Forand, 1998). Malgré cela, de nombreuses études démontrent que les utilisateurs consacrent en moyenne moins de dix minutes à feuilleter le rapport annuel (Forand, 1998).

Caractéristiques de l’étude

Depuis plusieurs années, des chercheurs en sciences comptables se sont intéressés à la lisibilité des rapports annuels, qui sont un véhicule officiel important de l’information financière. Parmi les études les plus récentes, on remarque celles de Courtis (1995), Subramanian (1993), Schroeder et Gibson (1992, 1990) et Schroeder, Aggarwal et Gibson (1991). Dans ces études, les mesures de la lisibilité sont faites à l’aide d’instruments tenant compte du style, du choix et de la longueur des mots, de la longueur et de la complexité des phrases, de l’usage de la voix passive, etc. Ces instruments sont empruntés au domaine de la communication.

La présente étude se distingue des précédentes en ce qu’elle ne cherche pas à mesurer la lisibilité elle-même, mais plutôt la perception de la lisibilité des rapports annuels. Ce choix a deux conséquences importantes. La première est qu’il ne s’agit pas d’une mesure objective de la lisibilité avec décomptes et application de facteurs de pondération, mais plutôt une mesure subjective effectuée à partir de la perception de la lisibilité des rapports annuels. La seconde conséquence est que cette mesure de perception concerne les rapports annuels en général ; on ne mesure donc pas la lisibilité propre à un ou des rapports annuels en particulier.

De plus, dans les études précitées, la nature même de l’instrument de mesure a obligé les auteurs à limiter leur analyse, certes en profondeur, à quelques-unes ou même à une seule des composantes du rapport annuel, par exemple les notes jointes aux états financiers. Dans la présente recherche, nous abordons un plus grand nombre de composantes, en sacrifiant inévitablement la profondeur de l’analyse.

Ces deux différences, la mesure de la lisibilité et les composantes analysées, justifient l’utilisation d’un autre devis de recherche. La cueillette de données des études précédentes s’appuyait sur l’examen de données secondaires, c’est-à-dire des composantes des rapports annuels retenus. La collecte de données de la présente recherche s’effectue avec un questionnaire où les différentes perceptions des répondants ont été recueillies.

Échantillon

La recherche devant être complétée dans les limites temporelles d’un cours de maîtrise, pour des raisons pratiques, le questionnaire a été distribué à 35 étudiants de 2e cycle en sciences comptables de l’UQÀM. Au terme de leurs études, ces étudiants se présentent à un examen professionnel comptable menant à la pratique publique de la comptabilité. La moyenne d’âge du groupe était de 25 ans ; parmi eux, 25 étaient des femmes. Cet échantillon est représentatif de la population étudiante actuelle en comptabilité. Bien que choisie pour des raisons pratiques, la qualification de ces étudiants à titre d’utilisateurs de l’information comptable se justifie aisément. Sur le marché du travail, ils agiront entre autres à titre d’investisseurs, de conseillers financiers, d’analystes, de créanciers. Au moment de répondre au questionnaire, ils avaient lu en moyenne une quinzaine de rapports annuels.

Éléments de mise en contexte

Les données complémentaires à celles recueillies strictement pour vérifier les hypothèses de recherche permettent de présenter la perception du contexte dans lequel s’effectue la lecture des rapports annuels.

Selon les répondants, lors de la préparation de leur rapport annuel, les entreprises privilégient principalement comme destinataires les actionnaires et les investisseurs (graphique 1), ce qui est conforme au désir de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (Manuel de l’ICCA, 1000.10). Ces utilisateurs obtiennent des scores respectifs de 5,14 et de 5,00 sur 6, sur une échelle allant de peu à très privilégiés. Suivent les analystes financiers (4,57), la direction de l’entreprise (4,43), les créanciers (4,15), les experts comptables (3,91) et les gouvernements (3,31). Les employés et les syndicats décrochent un maigre 2,43, ce qui est significativement différent des autres catégories d’utilisateurs (p + < 0,01).

Les utilisateurs privilégiés

D’une manière générale, les répondants croient que les utilisateurs de rapports annuels auraient à peine la formation et l’expérience suffisantes pour bien les comprendre (2,43 et 2,31 sur 4, sur une échelle d’insuffisante à largement suffisante). Ils évaluent que, pour être à l’aise, il est essentiel d’avoir lu un minimum de douze rapports annuels.

Naturellement, les répondants pensent qu’une formation universitaire en gestion – baccalauréat, maîtrise, doctorat – rend les utilisateurs de rapports annuels plus à l’aise. Sur cette question, on recueille des scores de 3,29, de 3,69 et de 3,86 sur 4 respectivement, sur une échelle qui va d’inconfortable à l’aise. Les scores attribués aux formations de niveau secondaire ou collégial sont significativement plus faibles, de 1,17 et de 1,94 sur 4 (p + < 0,01).

Ce jugement est cohérent avec la perception qu’on utilise une terminologie plutôt technique dans les rapports annuels : 3,71 sur 5 (langage courant à technique). Dans la même perspective, les supports de présentation – encadrés, graphiques, disposition – facilitent la lecture (3,01 sur 4, sur une échelle allant de pas à beaucoup).

Les répondants considèrent que le niveau de détail d’un rapport annuel est passablement élevé, 3,17 sur 5 (aucun détail à très détaillé), et qu’idéalement, il faudrait prendre 90 minutes pour lire un rapport annuel d’une quarantaine de pages. Plus prosaïquement, ils estiment que le temps réel moyen consacré à sa lecture est plutôt de 30 minutes.

Curieusement, lorsqu’on demande aux répondants d’indiquer le temps de lecture de chacune des composantes des rapports annuels, la somme des temps moyens correspond exactement au temps idéal de 90 minutes, et non pas au temps réel de 30 minutes. Les composantes les plus exigeantes sont les notes complémentaires aux états financiers (15 minutes), l’état des résultats (9 minutes), le bilan et les projets (8 minutes chacun). Les temps de lecture les plus courts sont ceux qui ont trait au rapport du vérificateur et à la composition du conseil d’administration, avec deux minutes chacun (graphique 2).

Le temps de lecture idéal

Les répondants ont déterminé et ordonné les quatre premières composantes qui sont lues dans les rapports annuels. La première est l’état des résultats. Suivent le bilan, l’analyse du cours boursier des actions et l’état des flux de trésorerie. Tout ce qui touche les commentaires sur les résultats et les projets n’est presque pas évoqué, qu’il s’agisse des perspectives d’avenir, des objectifs et de la mission de l’entreprise ou encore du niveau d’atteinte des objectifs. L’information sectorielle n’est jamais citée ; les prévisions ne retiennent guère plus l’attention.

Quelles qualités le rapport annuel possède-t-il Quelle est l’importance de ces qualités ? De la simplicité, la clarté, la crédibilité et la transparence, quelle est celle qui caractérise le plus les rapports annuels et devrait guider leur préparation ? (graphique 3) Ces qualités sont mesurées à l’aide d’échelles à quatre points. Sur le plan des qualités prépondérantes, la crédibilité vient au premier rang (2,86), suivie de la clarté (2,26). Leur rang s’inverse lorsqu’il s’agit des qualités souhaitables ; la clarté obtient un score de 2,97, et la crédibilité, de 2,79. La transparence vient au troisième rang à la fois des qualités prépondérantes (2,20) et des qualités souhaitables (2,36). La simplicité vient au dernier rang avec des scores de 2,06 et 2,00, ces scores sont significativement plus faibles (p + < 0,01) que ceux obtenus pour les autres qualités. Ces qualités sont très peu corrélées entre elles.

Les qualité du rapport annuel

Pour mesurer le potentiel d’amélioration de chacune de ces qualités, on a calculé la différence entre ce qui est souhaitable et ce qui est prépondérant. Ainsi, c’est la clarté qui devrait être privilégiée, avec une différence moyenne de 0,73, statistiquement différente des trois autres (p + < 0,01). Pour la transparence, la différence moyenne est de 0,18 seulement, les deux autres qualités présentant des différences négatives.

Ces scores expliquent peut-être pourquoi les répondants diagnostiquent un besoin d’information complémentaire pour bien comprendre les rapports annuels. Sept types de compléments d’information ont été évalués, sur une échelle de six points allant d’inutile à essentiel (graphique 4). Leur score global est de 3,99. L’ensemble des compléments a été divisé en deux groupes : l’information provenant entièrement de l’extérieur de l’entreprise et celle qui provient de sources liées à l’entreprise. Le premier groupe comprend la presse, les notations des agences reconnues (par exemple, Dunn et Bradstreet), les rapports d’analystes financiers et la presse spécialisée. Les rapports trimestriels, les bulletins de l’industrie et la correspondance de l’entreprise composent le deuxième groupe. Le caractère essentiel des compléments externes (4,15) est plus marqué que celui des compléments internes (3,82). Ces scores sont significativement différents et ne sont pas corrélés.

Les compléments au rapport annuel

Enfin, le rapport annuel a été divisé en 14 composantes réparties en deux groupes (liste 1). Le premier groupe englobe l’information financière assujettie aux normes de présentation de l’ICCA, par exemple les états financiers, (ci-après, information comptable). Le deuxième groupe comporte l’information financière présentée sous forme de commentaires, telle l’analyse des résultats par la direction, (ci-après, information affaires). Ces composantes ont été individuellement soumises aux répondants afin d’évaluer si elles pouvaient faciliter la lisibilité du rapport annuel. Ils ont aussi pu juger de leur caractère objectif et de leur degré d’utilité. Les échelles sont sur six points.

Les composantes du rapport annuel

Globalement, les répondants pensent que les informations comptables peuvent mieux faciliter la lisibilité du rapport annuel que les informations affaires (4,07 vs 3.96), qu’elles sont aussi plus objectives (3,95 vs 2,95) ; bref, elles sont jugées plus indispensables (4,70 vs 3,44) (graphique 5). Les différences sont statistiquement différentes (p + < 0,01).

Les perceptions de l'information

Facteurs entourant la lisibilité

Comme nous venons de le voir, le contenu du rapport annuel peut être divisé en deux grandes catégories : l’information comptable et l’information affaires. Quelle peut être l’effet de chacune de ces catégories sur la lisibilité du rapport annuel ? Dans l’ensemble, leur effet devrait être positif. Plus particulièrement, le niveau élevé de réglementation et de formalisme qui préside à la présentation de l’information comptable devrait faciliter la lisibilité du rapport annuel. L’effet de l’information affaires devrait aussi être positif et nous supposons qu’il devrait être plus important que celui de l’information strictement comptable ; l’objectif de la direction de l’entreprise est d’aider les utilisateurs à comprendre, l’information affaires reprend l’information comptable mais sous une forme différente ou accompagnée de détails complémentaires.

D’autre part, puisque les événements ayant caractérisé l’année financière des entreprises ont été relatés au fur et à mesure qu’ils sont survenus, le rapport annuel présente des informations qui, normalement, sont déjà connues du public. Dans cette perspective, quelle peut être l’effet de compléments d’information, tels les rapports d’analystes financiers, sur la perception de la lisibilité du rapport annuel ? Cet effet diffère-t-il selon que l’information provient d’une source externe ou interne Leur effet respectif devrait être positif, mais les sources externes étant souvent plus crédibles que les internes, leur effet devrait être plus important.

Ces considérations peuvent être résumées par le modèle suivant :

lisibilité = f (comptable, affaires, externe, interne)

+ + + +

lisibilité : perception de la lisibilité du rapport annuel

comptable : effet de l’information comptable présentée dans le rapport annuel

affaires : effet de l’information affaires présentée dans le rapport annuel

externe : effet des compléments d’information externe

interne : effet des compléments d’information interne

Plus spécifiquement, les hypothèses suivantes ont été testées :

H – 1A : les informations comptable et affaires contribuent de façon positive à la perception de la lisibilité du rapport annuel.

H – 1B : l’information affaires a un effet positif plus important que l’information comptable sur la perception de la lisibilité du rapport annuel.

H – 2A : les compléments d’information externe et interne ont des effets positifs sur la perception de la lisibilité du rapport annuel.

H – 2B : les compléments d’information externe ont un effet positif plus important que les compléments d’information interne sur la perception de la lisibilité du rapport annuel.

Vérification du modèle

Les premières étapes de la vérification du modèle consistent à valider les composantes de chacun des facteurs, puis à déterminer leur mesure respective.

Le Manuel de l’ICCA précise que l’information présentée dans les rapports annuels doit être utile aux utilisateurs, et que, pour être utile, elle doit être compréhensible (Manuel de l’ICCA, 1000.19). Buchanan (1992) insiste sur l’importance de publier une information pouvant être facilement comprise. Levinsohn (1998) associe la compréhensibilité des rapports annuels à la clarté et à la facilité de lecture. La mesure de la lisibilité a été établie à partir de deux des qualités prépondérantes des rapports annuels, soit la simplicité et la clarté ; ces variables ne sont pas corrélées. La moyenne de cette mesure agrégée de la lisibilité est de 2,16 sur 4 ; c’est une mesure de lisibilité assez faible. Les qualités écartées, soit la crédibilité et la transparence, relèvent plus de l’honnêteté et de la franchise que de la lisibilité.

Les facteurs d’information comptable et d’information affaires ont été établis à la suite d’une analyse factorielle des trois mesures des 14 composantes du rapport annuel (facilitant la lisibilité, objective, indispensable à la compréhension). Cette procédure a permis de dégager deux sous-ensembles dont les éléments correspondent au découpage réalisé a priori. Les scores des facteurs information comptable et affaires sont de 4,83 et de 3,27 sur 6 ; ils ne sont pas corrélés et sont statistiquement différents.

Le découpage des compléments d’information a été soumis à des procédures d’analyse factorielle et d’alpha de Cronbach. Les compléments d’information externe ont tous été conservés. Le rapport trimestriel a été retiré de la liste des informations internes. Leurs scores sont respectivement de 4,15 et de 3,83 sur 6. Ils ne sont pas corrélés et sont statistiquement différents.

Ce modèle a été vérifié à l’aide d’une analyse de régression simple. Les attentes étaient les suivantes :

lisibilité = f (comptable, affaires, externe, interne)

+ + + +

En recourant aux bêtas standardisés, les résultats de l’analyse sont les suivants (les seuils de signification bilatéraux sont présentés sous les coefficients) :

lisibilité = – 0,318 comptable + 0,220 affaires + 0,170 externe + 0,200 interne + e

(R2 = 0,278)

(p = 0,007) (p = 0,060) (p = 0,080) (p = 0,068) (p = 0,039)

Ce modèle explique 28 % de la variance, ce qui est peu. Par ailleurs, chacun des facteurs retenus dans le modèle a un effet statistiquement significatif (p + <0,01) ou quasi significatif (p + <0,1) sur la variable dépendante de la lisibilité. Les hypothèses qui sous-tendent le modèle ne sont vérifiées que partiellement.

L’hypothèse 1A est vérifiée en ce qui concerne l’effet de l’information de type affaires sur la lisibilité du rapport annuel ; cet effet est quasi significatif. Les éléments qui complètent les états financiers, tels les commentaires sur les résultats de l’année, ajoutent à la perception de la lisibilité du rapport annuel. De plus, l’effet positif de l’information affaires est plus important que celui, négatif, de l’information comptable, ce qui confirme l’hypothèse 1B. L’augmentation de la section affaires au cours des dix dernières années semble justifiée.

La seconde partie de l’hypothèse 1A est rejetée. L’effet de l’information comptable sur la lisibilité du rapport annuel est non seulement négatif, mais il est statistiquement significatif. Cette relation est inverse à celle proposée. Ce résultat soulève des questions de validité interne de deux ordres. La première tient à la validité nomologique, c’est-à-dire à la correspondance entre le cadre théorique et la réalité. L’argument qui justifiait une relation positive tient principalement au caractère normatif de la publication de l’information comptable ; la normalisation devrait rendre l’information plus lisible. Ce point de vue semble trop général. Il ne tient pas compte de l’ampleur des différents éléments comptables qui font l’objet d’une normalisation. Le nombre d’états financiers, des diverses rubriques qui les composent et des différentes situations qui font l’objet de règles particulières est tel que, malgré la normalisation, il s’agit là d’une information complexe. En l’absence d’une telle normalisation, cette relation négative serait-elle plus marquée ? À l’inverse, la normalisation est-elle un obstacle à la lisibilité ? Ces questions dépassent le cadre de la présente recherche, mais leur étude préciserait le rôle et l’influence de la normalisation.

La deuxième question que soulève le rejet de l’hypothèse 1A porte sur l’effet positif de l’information comptable sur la lisibilité du rapport annuel. L’hypothèse a été formulée en faisant référence aux utilisateurs en général. Les résultats nous obligent à mettre en doute la validité interne de cette généralisation. Les répondants questionnés se qualifient à titre d’utilisateurs de rapports annuels, mais leur formation d’experts comptables leur permettra d’agir également à titre de préparateurs de ces rapports. Préparateurs et utilisateurs partagent-ils la même vision ?

D’une part, en tant que préparateurs de rapports annuels, les experts comptables évaluent une information dont ils ont la responsabilité. Ils sont donc à la fois juges et parties. Les utilisateurs n’assument pas ce double rôle.

D’autre part, nous devons tenter d’expliquer l’évaluation des répondants – l’effet négatif sur la lisibilité – et nous demander si ces justifications s’appliquent aux utilisateurs. Une première explication pourrait tenir au fait que les experts comptables ont une vision honnête de la complexité du référentiel comptable et qu’ils l’évaluent comme telle. C’est une appréciation que peuvent globalement partager les utilisateurs. Comme deuxième explication, on pourrait avancer que les experts comptables comprennent que, pour maintenir leur hégémonie et leur quasi-monopole dans la préparation de l’information comptable, ils ont intérêt à évoquer la complexité du référentiel comptable. Les utilisateurs peuvent-ils évaluer l’information comptable en tenant compte de cette distorsion ? Rien ne permet de répondre à cette question qui dépasse d’ailleurs le cadre de la présente recherche. Cependant, ces indices sont suffisants pour permettre de supposer que le lien théorique proposé entre l’information comptable et la lisibilité peut être modulé par une variable intervenante qui n’a pas été prise en considération, soit la présence ou l’absence de responsabilité lors de la préparation du rapport annuel.

L’hypothèse 2A est vérifiée. Les deux types d’information ont un effet positif sur la lisibilité. Par contre, l’hypothèse 2B est rejetée ; contrairement à nos attentes, l’effet de l’information interne est légèrement plus important que celui de l’information externe. Ces résultats mettent en lumière le fait que, même si le rapport annuel est un document qui couvre un large spectre de renseignements, pour la plupart, déjà connus du public, les autres sources d’information contribuent à sa lisibilité.

Conclusion

L’objectif de cette étude était d’explorer de nouvelles avenues de recherche et de tenter de concevoir un modèle explicatif de la lisibilité du rapport annuel. Son originalité tient à la fois à la façon de mesurer la lisibilité et aux hypothèses formulées pour l’expliquer.

Dans l’ensemble, l’expérience est relativement concluante ; les hypothèses sont vérifiées, du moins en partie. Cependant, il convient d’apporter des précisions sur un certain nombre de points qui devront être pris en considération lors des prochaines recherches : tout d’abord, l’effet négatif de l’information comptable sur la lisibilité du rapport annuel, et, plus précisément, l’explication de cet effet négatif. Des éléments de réponse peuvent être trouvés tant du côté des experts comptables et des autres préparateurs comme la direction des entreprises que du côté des utilisateurs. Ensuite, l’effet des compléments d’information interne et externe, qui est fort semblable. Une analyse plus poussée du niveau de lisibilité de ces compléments pourrait permettre de raffiner le modèle.

La mesure de la lisibilité doit également être examinée. Le choix d’obtenir une mesure par l’intermédiaire des éléments caractéristiques de la lisibilité n’est pas sans conséquence. Ce choix a permis d’intégrer aisément la lisibilité dans un modèle conceptuel partiellement vérifié. Cette mesure est simple et permet d’accorder une place plus importante à des phénomènes explicatifs, complémentaires à ceux que mettent en évidence les instruments de mesure utilisés en communication. Par ailleurs, la proximité des termes lisibilité et compréhensibilité limite la collection de descripteurs valides pour créer la mesure. C’est une des limites de la présente recherche.

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