Qui doit explorer l’espace : les humains ou les robots ?

Extrait d’un rapport documentaire
jeudi 19 novembre 2020
par  Alexandrine Choron

Cet article est extrait d’un rapport long portant sur l’exploration spatiale. Ce rapport se devait d’être accessible par des lycéens.
Cet extrait est une synthèse de différents documents traitant du sujet. Les sources se trouvent en bas de page.

La dangerosité des vols spatiaux n’est plus à démontrer ; pourtant, certains soutiennent l’importance d’une présence humaine dans l’espace, tandis que d’autres y voient des problèmes d’ordre éthique. On envisage souvent les robots comme solution à ces problèmes.

1. L’Homme dans l’espace

Pour l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace (AAE), l’Homme a un rôle central dans l’exploration spatiale. Elle rappelle son rôle omniprésent, même pour les vols automatiques : toute l’ingénierie nécessaire n’est que le fruit de cerveaux humains, de grandes équipes travaillant dans les coulisses. Elle relève même que pour concevoir les idées de départs, les machines sont inutiles, à tel point que certains chefs d’équipe exigent un premier travail au papier et au crayon, les ordinateurs n’intervenant que lorsqu’un concept a été défini. C’est avant tout les qualités humaines qui priment.
Pour l’AAE, il est important, dans l’avenir, d’assurer une présence humaine dans l’espace, dans une idée d’expansion et de conquête de territoires. Elle met d’ailleurs en avant l’ISS, la station spatiale internationale, comme outil d’une exploration pacifique. La coopération internationale pour l’exploration de notre système solaire a une volonté politique, mais également humaine, dans la consolidation de nos connaissances sur l’univers qui nous entoure. Elle relève également l’intérêt scientifique d’avoir des humains dans l’espace. Dans l’espace, il est possible d’étudier comme nulle part ailleurs les effets de la micropesanteur, la mécanique des fluides, la biologie cellulaire, etc. Elle note d’ailleurs l’importance de maitriser des domaines tels que la psychologie ou le risque radiatif pour effectuer des voyages interplanétaires.
Elle ajoute que dans le cas de l’exploration de Mars, par exemple, la présence d’un géologue ferait grandement augmenter les connaissances que l’on a de la planète rouge, grâce à ces capacités humaines d’observation ou de déduction.
Nathalie Nevejans rejoint l’AAE sur certains de ces points : la présence de l’Homme dans l’espace est la forme la plus symbolique de sa conquête. Elle cite également Stephen Hawking qui avance que l’espèce humaine n’a d’avenir qu’en se répandant dans l’espace.

Cependant, malgré tous ces avantages à utiliser l’Homme dans l’exploration spatiale, Nathalie Nevejans a un avis différent de celui de l’AAE. Elle avance des arguments d’ordre éthique et médical. Elle rappelle notamment la dangerosité des vols spatiaux en évoquant des accidents tels que ceux de Challenger ou Columbia, et met en avant les risques pour la santé physique et mentale des astronautes. Dans l’espace, l’Homme est par exemple confronté à un rayonnement de particules cosmiques potentiellement mortel, et aux effets dévastateurs pour le cerveau. Les radiations peuvent provoquer des cancers, et la microgravité à de nombreux effets sur le corps humains, comme une accélération du vieillissement ou une pression intracrânienne provoquant des troubles de la vision. Pour le plan psychologique, elle souligne les effets d’un confinement de longue durée ou du manque de possibilités de sauvetage en cas de problème.
Nathalie Nevejans note également que le coût des missions habitées est plus élevé que celui des missions non-habitées.

2. Le robot dans l’espace

2.1 Le robot en autonomie

Nathalie Nevejans explique qu’il existe trois types de robots en missions d’exploration. Il y a d’abord l’orbiteur, qui est piloté depuis la Terre mais qui est capable de se mettre en position de sécurité en attendant les consignes en cas de problème. L’auteure explique que les intelligences artificielles (IA) devraient progressivement faire évoluer les missions spatiales, notamment quand on inclut une IA au système de pilotage.
C’est un avis partagé par Xavier Demeersan : le journaliste explique que la NASA ne veut pas que ses robots passent à côté d’événements imprévus qu’un humain aurait détecté, c’est pourquoi elle mise de plus en plus sur le développement des IA en les préparant à l’inconnu. Les engins explorateurs doivent donc être dotés de techniques d’apprentissage.
Nathalie Nevejans évoque également le deuxième type de robot d’exploration : l’atterrisseur, qui se pose sur l’objet céleste à étudier. Elle en vient finalement au dernier type de robot : le robot mobile, aussi appelé Rover ou astromobile. Il est déposé par l’atterrisseur est explore la surface d’une planète ou d’un corps céleste, peut faire des analyses et prendre des images. Ces robots sont souvent dirigés depuis la Terre, mais la distance implique le développement de robots autonomes : un échange entre la Terre et Mars peut prendre quarante minutes. Le robot doit donc être capable de s’adapter au terrain et aux conditions en temps réel, sans devoir attendre d’ordres de la Terre, pour éviter d’être endommagé en cas de problème.
Xavier Demeersan est du même avis, mettant en avant que les robots doivent être capables de s’adapter aux terres inconnus sans intervention humaine. Il cite le chercheur Kiri Wagstaff pour qui le vaisseau spatial doit être en mesure de créer un modèle basé sur ses propres observations : de cette façon, le robot pourrait reconnaitre des situations non-envisagées par un humain qui ne s’est jamais rendu sur place (comme pour les lunes de Jupiter, par exemple). Une IA autonome devient donc essentielle à l’observation d’un lieu inconnu, car elle apprendra à s’attarder sur des éléments non-détectés ou non-prévus depuis la Terre, comme le rover Opportunity, sur Mars, qui a photographié des nuages de poussières sans attendre l’ordre humain.

Nathalie Nevejans met également en lumière l’importance du robot dans la diminution des risques de contamination. Un robot, contrairement à l’Homme, n’apportera pas de germes terrestres dans un environnement extra-terrestre. Ne pas contaminer un corps céleste permet de le préserver, de préserver son intérêt biologique et de préserver ses potentielles formes de vies, surtout pour les astres où l’on trouve des traces d’eau liquide, un indicateur potentiel de vie.
Elle évoque également la possibilité d’utiliser les robots en exploration comme des envoyés ou représentants de l’humanité. Cela soulève un nouveau problème éthique : si le robot vient à rencontrer un forme de vie extra-terrestre, il devient pour eux le représentant de l’humanité entière, puisqu’il en serait le seul contact.

2.2 Le robot accompagnat l’Homme

Nathalie Nevejans suggère un entre-deux : elle envisage le robot comme complément possible à l’Homme dans l’espace. L’humain se fatiguant, elle évoque par exemple la possibilité de confier des tâches répétitives, longues ou dangereuses à des robots. Différents types de bras robotisés existent déjà sur l’ISS, pilotés sur place, qui ont pour but de faciliter le travail des astronautes. La NASA envisage également un robot médical pour effectuer des bilans de santé sur les astronautes.
Nathalie Nevejans évoque le cas des « robots de compagnie » et soulève le problème éthique lié à un type de robot à forme humanoïde et à la relation empathique qui peut se développer avec l’humain. Elle compare la situation avec celle des démineurs qui s’attachent démesurément à leurs appareils, pourtant pas humanoïdes. Elle craint qu’en situation de confinement, les astronautes ne développent un attachement trop important à ces robots humanoïdes et prennent des risques inconsidérés pour les sauver en cas de problème. Elle rappelle le petit robot japonais Kirobo, envoyé sur l’ISS en 2013 spécifiquement pour lutter contre la solitude : mais les astronautes étant au nombre de six, ce qui permettait un échange humain, l’utilisation du robot aurait risqué de provoquer un repli sur soi, favorisant l’échange avec la machine plutôt qu’avec l’humain.

Envoyer dans l’espace l’humain accompagné de robots intelligents ou n’envoyer que des robots est une question aux réponses multiples et aux enjeux complexes. Y apporter une réponse et trouver des solutions viables et efficaces sera l’un des défis à relever pour poursuivre l’exploration spatiale.

Sources
Nathalie Nevejans. « Chapitre 8. Hommes ou robots dans l’espace. Approches éthique et juridique », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences, vol. vol. 30, no. 3, 2019, pp. 135-157.

Commission Espace de l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace, rapport « Le Rôle de l’homme dans l’exploration spatiale », 2005.

Xavier Demeersan, « Intelligence artificielle : les robots de la NASA sauront faire face à l’inconnu », Futura Sciences, 28 juin 2017.


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