« C’est une femme qu’il me faut, n’est-ce pas » . Ainsi débute Envoyée Spéciale. Entrée en matière séduisante ! Car avouons-le, nous aimons les récits où se mêlent, où se dévoilent des destins féminins.
Notre héroïne se nomme Constance. Allure sobre et raffinée, mise impeccable, elle frôle élégamment le stéréotype de la parisienne bon chic bon genre. Nous la découvrons étudiant de nouvelles options de vie, et son existence nous apparaît d’emblée moins aboutie que sa tenue. Elle sera pourtant servie question changement, emmenée à des lieues de son « “immeuble art déco, construit par Henri Sauvage », embarquée dans une aventure vaudevillesque, où une légèreté décalée le dispute au pathétique. Un brin désappointés, nous nous apercevrons assez vite que, loin de la persévérance que laissait espérer son prénom, elle verse plus facilement dans l’apathie. Nous laissant tout du long dans le doute sur son rôle : figurante imperturbable jusqu’à l’agacement, ou personnage principal déconcertant ?
Dans un style cinématographique qui lui est cher, et lui valut Médicis, Goncourt et autres nombreux prix, Jean Echenoz déroule le fil d’une opération spéciale boiteuse. « Plan d’ensemble » , « contre-plongée » et « effets de zoom » nous dévoilent peu à peu les desseins hasardeux du Général Bourgeaud. Une narration toute en images, son dolby surround et odorama. L’histoire pourrait tourner à la simple parodie, sans le talent de l’auteur pour puiser l’incongru dans le dérisoire, l’ironie dans le ridicule. Narrateur omniscient, il met en scène des personnages irrésistiblement inaptes et ineptes, et l’on se délecte de leur absurdité toute en prétention.
Aucun rôle ne manque à la farce : le futur ex-mari couard et égocentrique, le vieux briscard obsolète et revanchard, le bellâtre fier et inaccessible... Bien d’autres encore, protagonistes savoureux impliqués de près ou de loin dans cette affaire bancale, dont on a hâte de savoir si elle va réussir ou complètement dérailler. Peu à peu, Constance prend sa place. Cher(ère) lecteur(rice), pas d’illusions... si elle fait bonne figure au milieu de cette galerie peu glorieuse, notre amie n’a pas l’âme d’une Freya Starck ou d’une Florence Aubenas. Mais comme dit l’adage, « Patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage ».
L’inertie devient mouvement ! Et Echenoz nous régale à la suite de cette aventurière bien malgré elle.
