Prêt de liseuses en bibliothèque municipale

Mandant : Sophie S., directrice de la bibliothèque municipale de ***.
mardi 16 avril 2013
par  REY

En résumé

L’offre de terminaux de lecture est conséquente, vous serez donc amenée à choisir entre les différents types d’appareils proposés, particulièrement entre le couple liseuse/tablette. Il faut, pour cela, prendre en compte les formats de fichiers que peut lire l’appareil, son autonomie, la présence ou non de DRM, et la technologie employée pour l’affichage (encre électronique des liseuses / écran rétro-éclairé des tablettes).

L’offre de contenus, bien que modeste, n’est pas encore appréhendée dans sa totalité. Cela est dû à la variété des distributeurs de livres numériques. Ces plate-formes de distribution proposent chacune des services spécifiques et des contenus souvent spécialisés : ces données sont à prendre en compte lors du choix de votre agrégateur.

Les bibliothèques ont leur rôle à jouer dans la diffusion du livre numérique, en devenant les médiatrices entre le public et cette nouvelle technologie. Ce rôle exige néanmoins un investissement matériel (appareils à acheter) et humain (personnel à former) conséquent. Il faut donc vous assurer, avant de vous lancer dans une expérimentation de prêt de liseuses, si vous pouvez ou non assumer une telle charge.

Corpus de documents

Marie Durand-Bernet, Prêt de liseuses en bibliothèque universitaire : compte-rendu d’expérimentation, Bibliothèque de formation des maîtres, antenne de Moulins, Janvier-Juin 2012

Marie Durand-Bernet est responsable de la bibliothèque de l’IUFM, antenne de Moulins.
Marie.BERNET@univ-bpclermont.fr

François Nawrocki et al., Contexte et offre, Documentaliste-Sciences de l’Information, 2010/2 Vol. 47, p. 30-42. DOI : 10.3917/docsi.472.0030

François Nawrocki est docteur en histoire, archiviste paléographe et conservateur des bibliothèques. Il est depuis 2008 chargé de mission à l’économie numérique du livre, au Centre National du Livre (CNL)1.
francois.nawrocki@culture.fr

Ruth Martinez est déléguée générale du GFII2, l’association des acteurs du marché de l’information et de la connaissance.
gfii@wanadoo.fr

Denis Zwirn est président-directeur général de la plate-forme Numilog.
dzwim@numilog.com

Éric Briys est l’un des co-fondateurs de Cyberlibris.
eric.b@cyberlibris.com

Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon,
Les bibliothèques et le livre électronique : panorama, enjeux, avenir.

http://www.bibliotheque-diderot.fr/

Table des
matières

Introduction

Précisions terminologiques

Offres de supports

Terminaux de lecture

Formats

Prise en charge des DRM

Fonctionnalités – les avantages du livre électronique

Liseuse mono-usage ou tablette multifonctions ?

Liseuse

Tablette

Offres de contenus

Une offre encore modeste

Agrégateurs

Offre des agrégateurs

Modes d’acquisition et modalités d’achat des agrégateurs

Bibliothèques médiatrices

Désorientation des lecteurs

Implication des bibliothèques

Médiation

Dernière consultation des hyperliens le 19/03/2013

Introduction

Les offres de supports foisonnent, mais toutes ne conviennent pas à la lecture de textes numériques. Ces derniers sont accessibles par le biais de nombreux agrégateurs et plate-formes. Mais le public a du mal à comprendre et à maîtriser ces distributeurs à cause de leur diversité. Dérouté et déçu, il est facilement découragé. Les bibliothèques peuvent donc assumer les rôles de pionnières et de médiatrices dans cette industrie du livre électronique encore balbutiante.

Précisions terminologiques

Dans son article L’offre de livres numériques en 2010 : aspects techniques, Ruth Martinez signale la polysémie des expressions française et anglaise « livre numérique » et « e-book ». Ces dernières sont en effet génériques. Elles désignent à la fois l’ouvrage dématérialisé qui a la forme d’un fichier informatique, et le terminal de lecture, qui est un appareil portable doté d’un écran permettant la lecture de textes numériques.
La Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon propose la distinction entre le livre numérique qui est l’ouvrage dématérialisé, et le livre électronique qui est le terminal de lecture, ou support, désignant l’appareil. C’est cette distinction qui sera opérée dans cette synthèse.

Offres de supports

Les offres en termes de supports sont de plus en plus nombreuses. En effet, comme le note Ruth Martinez, pas moins de 17 appareils de lecture sont sortis en 2010. Il devient donc difficile de faire son choix entre toutes les machines proposées. Voici une présentation des critères qui permettent de décider.

Terminaux de lecture

La Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon et Ruth Martinez énumèrent les différents types de terminaux qui permettent la lecture de textes numériques :

Consoles de jeux : PSP, Nintendo DS ;
Ordinateurs : Netbook, ordinateurs portables et ordinateurs de bureau ;
PDA (assistant numérique personnel) : Palm Pilot ou Pocket PC ;
Smart Displays : écrans d’ordinateurs « intelligents » et amovibles ;
Smartphones.

Comme le rappelle Marie Durand-Bernet, les consoles de jeux, PDA, smart Displays et smartphones sont des appareils strictement personnels. Pour une bibliothèque, le choix se fait donc entre la liseuse et la tablette numérique. Ces dernières sont en effet entièrement dédiées à la lecture nomade de textes dématérialisés, contrairement à l’ordinateur.

Formats

Les différents terminaux de lecture possèdent un ou plusieurs logiciels de lecture (ou readers) pour lire le format sous lequel est enregistré le livre numérique. Chaque format est plus ou moins approprié à la lecture sur tablette ou sur liseuse. François Nawrocki, dans son article Le livre numérique en France : état des lieux et perspectives de développement du marché, retient deux formats comme les plus portables :

PDF (Portable Document Format) : ce format est lu par l’application Adobe Reader. Il est lisible sur la plupart des liseuses et des tablettes, et sur tous les ordinateurs. Marie Durand-Bernet, dans son compte-rendu d’expérimentation, note que ce format n’est pas particulièrement approprié à la lecture sur liseuse. En effet, le PDF ne s’adapte pas aux petits écrans, et devient de ce fait illisible.
XML ePub : développé par le consortium de l’International Digital Publishing Forum (IDPF)3, c’est un format largement utilisé par les liseuses, et qui tend à s’imposer comme un format universel. Il permet au texte de s’adapter à l’appareil sans perte de qualité, tant sur les écrans à encre électronique des liseuses que sur les tablettes. Il assure donc une lecture confortable.

Prise en charge des DRM

Pour désigner la gestion des droits numériques, les professionnels du livre numérique recourent le plus souvent à l’appellation anglaise DRM, pour Digital Rights Management. Ces derniers ne sont pas pris en charge de manière homogène par les systèmes de lecture des terminaux. Ils limitent les manipulations de l’utilisateur sur l’ouvrage, soit en interdisant totalement, soit en limitant le copier-coller, l’impression, la duplication ou la transmission du texte numérique. Ils peuvent donc créer un sentiment de dépossession chez l’usager, qui ne peut ni prêter ni conserver de manière pérenne son livre. Néanmoins, selon François Nawrocki, les DRM peuvent s’avérer utiles pour les bibliothèques quant au prêt d’ouvrages, puisqu’ils limitent de ce fait les risques de vol ou de duplication illégale.

Fonctionnalités – les avantages du livre électronique

Les liseuses et les tablettes permettent le regroupement de plusieurs dizaines voire centaines d’œuvres sur un même support. Selon Ruth Martinez, une liseuse possède en moyenne une capacité de 2 à 4 GB, soit plus de 1200 livres qui peuvent être chargés dans l’appareil. Marie Durand-Bernet ajoute qu’il est possible, pour certaines liseuses (celle de Sony notamment) d’ajouter une carte mémoire (micro-SD) afin d’augmenter la mémoire de l’appareil.
Ce stock d’œuvres pré-chargé peut également être enrichi par l’usager lui-même. En effet, grâce à leur connexion wifi, les liseuses et les tablettes offrent un accès nomade immédiat aux catalogues numériques. En quelques minutes et en quelques clics, de nouveaux livres sont téléchargés et prêts à être lus.
Marie Durand-Bernet rappelle ainsi la nécessité pour les bibliothèques de proposer des liseuses avec des œuvres pré-chargées tout en laissant la possibilité aux usagers de télécharger eux-mêmes des ouvrages sur des plate-formes de diffusion d’ouvrages libres de droit.

Ruth Martinez indique que ces supports de lecture offrent aussi des fonctions de travail sur le contenu :
aide à la lecture (dictionnaire français ou bilingue, synthèse vocale, outils de traduction) ;
lecture active (marque-page, annotation, bloc notes, surlignage) ;
mise à jour et de correction des ouvrages (via Internet) ;
multimédia et connexion à Internet (textes, sons, illustrations, hyperliens, etc.) ;
navigation dans la table des matières ;
recherche de mots sur texte intégral.

Liseuse mono-usage ou tablette multifonctions ?

Un de ces deux terminaux est-il plus approprié à une utilisation en prêt par les bibliothèques ? Marie Durand-Bernet indique qu’à l’IUFM de Moulins, le choix s’est porté sur la liseuse.

Liseuse

La liseuse est « mono-usage » car elle ne permet que l’activité de lecture. Elle est donc petite, légère (entre 175 et 535g selon Ruth Martinez), et dotée d’une grande autonomie (jusqu’à trois semaines). D’une part, la liseuse offre une prise en main facile, d’autre part elle favorise une lecture linéaire qui rappelle l’expérience de lecture concentrée d’un livre. Pour Marie Durand-Bernet, le type d’écran fait aussi de la liseuse un support très adapté à la lecture. Même si les liseuses n’affichent pas les couleurs, l’encre électronique (ou e-ink) offre une lecture plus reposante, même en plein soleil. Le plaisir de lecture demeure donc entier sur une liseuse, comme en témoigne l’enthousiasme des testeurs au terme de l’expérimentation de l’IUFM de Moulins.

Tablette

La tablette, quant à elle, est multifonctions. Elle est donc moins autonome, plus grande, et plus lourde. Ruth Martinez note par exemple que la tablette iPad d’Apple pèse entre 680 et 730g. L’écran LCD rétro-éclairé des tablettes affiche les couleurs, mais il ne permet pas, comme la liseuse, la lecture au soleil. De plus, il aurait tendance à fatiguer plus rapidement le lecteur. Enfin, toutes les fonctions que propose la tablette conduisent à une lecture fragmentée et superficielle.

Offres de contenus

Selon la Bibliothèque de l’ENS de Lyon, une bibliothèque qui met à disposition des liseuses électroniques doit nécessairement proposer du contenu numérique. De même, une bibliothèque souhaitant proposer des livres numériques doit pouvoir fournir l’appareil pour les lire. C’est ce que souligne également Marie Durand-Bernet, qui indique qu’à l’IUFM de Moulins, la liseuse mise en prêt possédait plusieurs œuvres numériques pré-chargées.
Cependant, comme le note Ruth Martinez, le professionnel souhaitant acquérir des livres numériques doit se confronter à certaines difficultés. En effet, un même ouvrage peut se trouver sur plusieurs plate-formes, et à des prix différents. Comment choisir ?

Une offre encore modeste

François Nawrocki constate qu’il est impossible de dénombrer exactement l’offre actuelle de livres numériques en France. Dans son article, il indique que les plate-formes de distribution ne sont tenues de communiquer leurs ouvrages numériques à Gallica que si ces derniers ont été numérisés grâce à une subvention du CNL. Les ouvrages non subventionnés n’apparaissent donc pas. Néanmoins, l’offre globale de livres numériques de langue française sous droits est estimée à environ 60 000 titres, selon le chercheur. Elle est donc très peu développée en regard des références disponibles sur papier, dont les 620 000 références grossissent chaque année de 66 500 nouveaux produits, comme le note François Nawrocki dans son article.

Cette offre n’est donc visible ni accessible dans sa totalité sur aucune plate-forme commerciale. Le public a ainsi une vision faussée de l’offre et se trouve déçu dans ses attentes, selon François Nawrocki.

Agrégateurs

Offre des agrégateurs

Ruth Martinez distingue deux types d’offres : celles des éditeurs qui proposent des ouvrages numériques sur leurs propres plate-formes, et celles des agrégateurs qui mettent à disposition des œuvres de différents éditeurs. La déléguée générale du GFII indique que les deux agrégateurs pluridisciplinaires les plus présents en France dans les milieux académique et professionnel sont Cyberlibris et Numilog4.

Cyberlibris : Éric Briys, dans son article Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des services documentaires, indique que la plate-forme, créée en 2001, propose une offre pluridisciplinaire. Cette dernière vise trois publics : les grandes écoles (commerce et ingénieurs), les universités, et les bibliothèques départementales et municipales. L’offre à destination des bibliothèques est négociée avec le Consortium Carel5. Elle est composée de six catalogues : Vie pratique, Sciences humaines, Économie et entreprise, Emplois, métiers, et formations, Arts et lettres, Tourisme et voyage. Éric Briys note que la richesse de Cyberlibris réside aussi dans les services proposés par la plate-forme, comme celui de Bibliovox6, à l’attention des bibliothèques départementales et municipales. Ces services permettent entre autres à ces dernières de fédérer leurs usagers en une communauté de lecteurs, qui ont la possibilité d’interagir.
Numilog : créée en 1999 puis devenue une filiale d’Hachette en 2008, cette plate-forme étend également son offre à d’autres éditeurs : Hermès Science, Eyrolles, Gualino, EDP Sciences, Les éditions de OCDE, etc. Selon, Denis Zwirn, dans son article Numilog, un catalogue de livres numériques pour les bibliothèques et centres de documentation, Numilog dispose d’environ 30 000 titres, dont 70% d’ouvrages documentaires et 30% de romans.

D’autres agrégateurs sont plus spécialisés, comme le portail Cairn7 pour les ouvrages collectifs en SHS. Ce dernier est particulièrement apprécié pour sa simplicité et son ouverture : absence de DRM8, accès nomade, et les institutions peuvent bénéficier d’une tarification annuelle quel que soit le nombre de consultations.

Modes d’acquisition et modalités d’achat des agrégateurs

Les agrégateurs proposent différents modes d’acquisition de leurs contenus numériques, qui ne se limitent pas au modèle de téléchargement à l’unité. En effet, il est possible de télécharger par chapitre ou par article (Cairn), ou encore par bouquet (Cyberlibris, Numilog, Cairn). Si le mode d’acquisition par bouquet permet d’accéder à une offre thématique, Ruth Martinez conseille néanmoins de toujours vérifier si les titres sont récents et si des mises à jours sont disponibles.

Quant à l’achat, il existe aussi plusieurs modalités : la location, l’abonnement, l’accès perpétuel, l’achat pérenne (les livres numériques achetés sont stockés chez l’acheteur, mais il est impossible de bénéficier des dernières mises à jour). Denis Zwirn indique que les abonnements disponibles sur Numilog correspondent au prix des ouvrages numériques dans les librairies en ligne. Il précise également qu’un exemplaire numérique coûte en moyenne 10 à 30% de moins que la version imprimée.

Bibliothèques médiatrices

Pour François Nawrocki et Marie Durand-Bernet, les bibliothèques, au prix d’un investissement certain, matériel comme humain, peuvent assumer le rôle de médiatrices entre cette nouvelle technologie et le public, encore peu averti.

Désorientation des lecteurs

La grande diversité tant des supports que des contenus (formats, agrégateurs, plate-formes) brouille, pour le « lecteur numérique », la visibilité et l’accessibilité des ouvrages proposés. La Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon évoque ainsi un « coût cognitif » de l’acculturation des lecteurs aux livres numériques et électroniques. Comme le note Marie Durand-Bernet, le livre électronique n’est ni immédiat ni simple d’emploi. Selon la Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon, seuls les lecteurs cultivés et/ou motivés peuvent tenter l’expérience de l’e-book.

Implication des bibliothèques

Il en va de même pour les bibliothèques et leur personnel. La Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon souligne que la création d’un service de prêt de livres numériques représente un investissement matériel et humain conséquent.

Il faut en effet équiper les locaux, en achetant les liseuses et les accessoires de ces dernières (housses, coques, chargeurs, etc.) Marie Durand-Bernet insiste également sur la nécessité d’effectuer une phase d’expérimentation avant de se lancer dans le prêt de livres numériques. Selon elle, il est fondamental de tester préalablement la machine, de voir les formats compatibles, de pré-charger du contenu, etc.

Le personnel doit donc se former à l’appareil et aux plate-formes des agrégateurs afin de pouvoir à son tour former les usagers. Il doit également apprendre à gérer le prêt de livres électroniques, mettre en place une charte de prêt, se familiariser à cette nouvelle technologie, constituer un fonds d’œuvres numériques, etc. Enfin, le compte-rendu insiste sur le caractère obligatoire d’une veille afin d’enrichir l’offre de contenus gratuits et de vérifier les mises à jour.

Médiation

Pour la Bibliothèque de l’École Normale Supérieure de Lyon et Marie Durand-Bernet, cet investissement permet aux bibliothèques de retrouver leurs rôles de pionnières et de médiatrices. En effet, ces dernières font découvrir aux usagers la lecture numérique, comme elles proposaient, il y a plusieurs années, de faire découvrir le WEB. Selon François Nawrocki, le développement du livre numérique et de son marché se fera par les librairies, les bibliothèques et les centres de documentation. Ces espaces se présenteront, selon lui, comme les premiers lieux de démocratisation et d’acculturation au livre numérique.


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