Combler les vides

lundi 13 février 2012
par  Falquet Laurent

François Mitterrand croyait aux « forces de l’esprit ». Je crois plutôt aux forces de l’Univers, à l’influence d’un grand tout qui produit parfois des phénomènes singuliers et inexpliqués. Cette semaine, j’en fus témoin en feuilletant l’actualité sur les onglets de mon navigateur internet. Je suis tombé de ma chaise. A la fois dans les pages du Monde et dans celles du Devoir, la même information, plutôt le même type d’affaire. Quel étonnement que ce genre de pratique se retrouve dans des lieux si éloignés géographiquement !

Au Canada, l’histoire remontait au mois d’octobre 2011 et a rejailli dans les pages du Devoir le 3 février 2012 seulement, sans pour autant que la rédaction du journal ait justifié un tel décalage. En octobre dernier, des fonctionnaires du Ministère de l’Immigration ont joué la comédie pour la chaîne de télévision canadienne Sun News, réputée de droite néoconservatrice. En effet, la Presse canadienne révélait qu’un reportage sur la cérémonie de citoyenneté de néo-Canadiens avait été truqué. Sun News avait préféré reconstituer l’évènement dans ses studios au lieu de couvrir une véritable cérémonie, au cours de laquelle des immigrants se voient remettre officiellement leur certificat de citoyenneté canadienne. Mais l’organisation n’ayant pas bien fonctionné, il manquait de Canadiens de fraîche date pour rejouer la scène du serment de citoyenneté et d’allégeance à la Reine. Seulement trois des nouveaux sujets de sa Majesté s’étaient présentés pour jouer leur rôle. – Peu me chaut, a dû se dire le fonctionnaire du ministère, je vais faire appel à six de mes collègues et le reportage sera dans la boite. Ainsi se règlent les problèmes de déontologie sur Sun News et ainsi le gouvernement fédéral collabore à la vérité journalistique.

En France, quand il y a du vide devant la caméra, le stratagème est le même. Nicolas Sarkozy est reconnu pour en être un utilisateur convaincu. Plusieurs fois, les journalistes du Petit Journal ont filmé le public du président après son départ. Tous étaient des militants UMP positionnés en rang serré pour faire foule à l’image. Le Monde rapporte une information d’Europe 1 parue le 3 février 2012. La concordance avec le Canada est frappante. Le futur candidat de la majorité, qui tarde à se déclarer, visite souvent des usines, des fermes, des entreprises dans les régions françaises. Le 2 février, il visitait un chantier de construction. Mais toujours suivi par une horde de journalistes et de caméras, le service de communication de l’Elysée trouvait les soixante-sept ouvriers présents trop peu nombreux pour acclamer et écouter le président. – Peu me chaut, a dû se dire le ou la responsable du déplacement, faisons appel à des ouvriers de chantiers voisins et doublons les effectifs, ça fera son petit effet. Nicolas Sarkozy a donc pu traverser une foule compacte de travailleurs enthousiastes, bien que ce jour-là, le chantier devait être désert : congé avait été donné, il faisait trop froid pour travailler. Ainsi la Présidence règle ses problèmes de communication.

Les forces de l’Univers s’accordent dans certains cas pour faire paraître les actions des gouvernants plus signifiantes. Qu’aurait donné une cérémonie avec trois participants ? Qu’aurait donné une visite avec une poignée d’officiels ? Mais je me demande si le problème est vraiment du côté des politiques.

Rédigé par Laurent Falquet


Publications

Derniers articles publiés

Annonces

La formation Rédacteur Professionnel

Si vous souhaitez des informations concernant la formation Master Rédacteur Professionnel, unique en France, contactez :
marie-emmanuelle.pereira@univ-amu.fr
veronique.rey.2@univ-amu.fr


Le programme de formation RP

Vous trouverez le descriptif des enseignements dans l’onglet "formation Rédacteur Professionnel"